Cet article a été publié précédemment dans le PreventActua nr. 8 de 15 avril 2019.
Update 11/06/2019: L'AR est publié au Moniteur belge! L'entrée en vigueur a lieu 10 jours après la publication, donc le 21 juin 2019.
Dans son avis n° 223, le Conseil Supérieur pour la Prévention et la Protection au Travail propose de modifier le Code du bien-être au travail et de donner une nouvelle interprétation de la surveillance de santé périodique. Voici un aperçu du contenu de cet avis.
Pourquoi?
Le manque criant de conseillers en prévention-médecins du travail rend la prestation de services insuffisante: parmi le million et demi de travailleurs à examiner chaque année, seuls 82% bénéficient effectivement d’un examen. Les activités des médecins du travail sont aussi de plus en plus limitées à l’exécution des examens médicaux.
L’objectif de l’avis est de contribuer à faire évoluer la fonction de médecin du travail vers un rôle de coordination, avec une participation active à la politique de prévention de l’entreprise.
L’idée est de dégager davantage de temps pour l’exécution correcte des examens non périodiques, tels que les consultations spontanées, les reprises du travail et, dans une mesure croissante, les trajets de réintégration.
Qui?
Les examens périodiques ‘classiques’ restent réservés au conseiller en prévention-médecin du travail. On modifie cependant leur fréquence: un examen annuel n’est plus nécessaire pour la plupart des risques. En lieu et place, l’avis prévoit des actes médicaux complémentaires (appelés ‘actes’ dans cet article). Ils peuvent être effectués par le médecin du travail, mais aussi par le personnel infirmier. Les actes du personnel infirmier relèvent toujours de la responsabilité du médecin du travail, qui sera également chargé de l’interprétation des résultats. En outre, un entretien personnel entre le personnel infirmier et le médecin du travail est impératif, en vue de se concerter au niveau des résultats.
À court terme, le personnel infirmier devra suivre une formation en santé du travail. Le Conseil Supérieur invite également le ministre du Travail à créer un cadre légal pour une spécialisation en santé du travail destinée aux infirmiers, avec une période de transition pour les infirmiers d’entreprise déjà actifs. Selon le Conseil Supérieur, une formation complémentaire de niveau II serait également appréciable.
Quoi?
Les actes sont spécifiquement liés au risque professionnel du travailleur. Ils peuvent se composer d’un bio-monitoring (examen urinaire ou sanguin), d’examens techniques (tels que les tests de vision, les mesures de fonction pulmonaire ou les tests auditifs), mais aussi – et c’est une nouveauté – de questionnaires médicaux spécifiques.
Ces questionnaires doivent avoir une base scientifique et être standardisés pour l’ensemble des services externes et internes. Leur contenu, qui serait élaboré par un collège de médecins du travail assistés par d’autres conseilleurs en prévention, devrait aussi concerner les aspects psychosociaux. Il faudrait d’autre part s’assurer que le travailleur puisse toujours demander une consultation spontanée auprès du médecin du travail. Des questions spécifiques en fonction des différents secteurs et fonctions sont également nécessaires. Enfin, l’entreprise ou le service de prévention interne ou externe pourra encore naturellement ajouter lui-même des questions supplémentaires.
Ces questionnaires peuvent être envoyés par voie électronique, mais un entretien personnel entre le travailleur et le personnel infirmier ou le médecin du travail est toujours nécessaire. Ce dernier doit parcourir le questionnaire avec le travailleur, afin de s’assurer que le travailleur l’a correctement compris; certainement dans le cas de personnes ne maîtrisant aucune des trois langues nationales.
D’après le Conseil Supérieur, toutes ces données doivent être centralisées auprès du SFP Emploi. Les résultats collectés et anonymisés par entreprise doivent ensuite être utilisés pour améliorer la politique de prévention.
Quand?
Les actes peuvent être posés avant l’évaluation de santé (immédiatement avant ou au maximum un mois avant) et pendant la période entre deux évaluations périodiques de santé. Les fréquences de ces évaluations de santé sont déterminées dans l’avis pour tous les (groupes de) risques professionnels. Dans le cas où il y aurait plusieurs risques, la fréquence la plus élevée est retenue.
Pour la plupart des risques, la fréquence de l’évaluation de santé par le médecin du travail est fixée à 24 mois. C’est par exemple le cas pour une fonction de sécurité ou de surveillance, ou pour le travail avec la plupart des produits chimiques (à l’exception des produits cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques) et la majorité des risques physiques et biologiques. La fréquence est de 36 mois pour le déplacement de charges et le travail monotone ou lié au rythme chez les travailleurs de moins de 45 ans, ainsi que pour le travail de nuit ou en équipes sans risques.
Les actes médicaux supplémentaires intermédiaires annuels se composent généralement de questionnaires, et – le cas échéant – de bio-monitoring et/ou d’examens techniques.
Dérogations
Il y a quelques dérogations à ces principes et fréquences. Il existe ainsi pour tous les risques une première évaluation périodique de santé obligatoire chez le médecin du travail un an après l’évaluation de santé précédente, en vue d’évaluer comment le travailleur réagit à l’exposition à un risque particulier.
Quand les actes montrent un résultat inhabituel, il est également possible de modifier la périodicité. C’est alors le médecin du travail qui détermine si une évaluation de santé unique supplémentaire ou périodique répétée est nécessaire pour le travailleur individuel, ou pour tous les travailleurs présentant un risque similaire ou occupant une même fonction dans l’entreprise.
Le Contrôle du bien-être au travail (l’inspection du travail) peut également augmenter la fréquence.
Supplément
Afin de ne pas compromettre l’accès des travailleurs au médecin du travail, ces derniers doivent être informés chaque année de la possibilité de consultations spontanées, avec les coordonnées des conseillers en prévention, la description de leurs tâches et la manière selon laquelle le travailleur peut prendre contact. Concrètement, il faut améliorer la visibilité du service externe dans l’entreprise et il faut mettre sur pied une méthode simple pour permettre au travailleur de prendre un rendez-vous.
Selon le Conseil Supérieur, ce nouveau système ne devrait pas augmenter le coût à charge des employeurs. Pour les entreprises C et D, toutes les prestations de services – y compris les actes médicaux supplémentaires avec les questionnaires et les examens techniques – doivent être reprises dans l’offre de base.
Une nouvelle évaluation devrait intervenir dans les deux ans de la parution du nouvel AR en vue d’identifier d’éventuels dysfonctionnements, en particulier pour les PME.
Conclusion
Cet avis du Conseil Supérieur sur l’interprétation de la surveillance périodique de la santé prévoit des actes médicaux supplémentaires effectués par le personnel infirmier, et des questionnaires médicaux spécifiques standardisés. Il faudra attendre pour voir si cette mesure permet effectivement au contingent de médecins du travail de jouer davantage un rôle de coordination en vue de pouvoir participer plus efficacement à la politique de prévention de l’entreprise. En tous cas, la complexité accrue des évaluations périodiques de santé représentera un réel défi.